(Patientez un peu, une colonne importante va apparaitre sur la droite mais Blogspot est un peu lent...)


jeudi 17 novembre 2005


« Les Grands désordres », de Marie Cardinal


Durant les années 80, à Paris

Elsa Labbé est une femme épanouie âgée de quarante cinq ans environ. Il y a très longtemps, elle a perdu Jacques, son mari, tué durant la guerre d’Algérie, sa fille Laura étant alors âgée de deux ans.

Les parents d’Elsa tiennent toujours un magasin de lingerie à Aix, ville où elle est née et a grandi.

Elle n’a pas refait sa vie et sa fille l’appelle par son prénom, ce qu’elle a toujours regretté.

Aujourd’hui, au sortir d’une période très douloureuse de sa vie, elle éprouve le besoin de raconter ce qu’elle vient de vivre, et charge un obscur écrivain d’écrire sa biographie à partir de souvenirs qu’elle mettra par écrit sur brouillon ou dictés sur bande magnétique. Des rendez vous réguliers sont pris, et la biographie prend forme. Au fil des jours, l’écrivain sera captivé par cette femme et son histoire.

Elsa a donc élevée seule sa fille et poursuivit ses études, vivant de son travail de secrétaire auprès d’un éminent scientifique qu’elle admire beaucoup, le docteur Greffier, ce dernier ayant concouru pour le prix Nobel. Plus tard, ses études achevées, elle s’est établie à Paris en tant que psychologue, mais sans cesser de voir celui ci avec qui elle entretient une relation ambiguë.

Elle a un ami, François, qu’elle retrouve depuis trois ans à l’occasion de vacances sur la côte Est des Etats-Unis. La vie semble s’écouler le mieux du monde puisque lors d’un congrès en Australie, elle y fait un exposé remarqué sur l’ « Entropie » (désordre local psychique) qui pour elle est en relation directe avec les sécrétions d’hormones locales, notamment l’endorphine.

Mais coup de théâtre, à son retour de vacances, elle retrouve son appartement dévasté et souillé. Où est sa fille qui l’occupait en son absence ? Que s’y est il passé ? Tel un rituel de sorcellerie, les cordons des rideaux des fenêtres forment des toiles d’araignée et des hameçons parsèment le sol. Sa voiture est absente de son garage. Comment joindre Laura à son petit studio, puisque la ligne téléphonique est coupée malgré qu’Elsa ait confié à sa fille des chèques en blancs pour régler les factures à sa place ?…Enfin, c’est l’éprouvante révélation de la découverte de seringues dans la salle de bain. Le mot « drogue » s’imprime dans l’esprit d’Elsa qui comprend que sa fille est en grand danger.

Dans le courant de la nuit, Laure revient à l’appartement et avoue à sa mère qu’elle est devenue une droguée. Pupilles dilatées et ayant beaucoup maigri, elle implore son aide, lui disant que dans l’immédiat, du Tranxène 50 lui suffirait « pour tenir le coup ». Elsa apprend alors qu’un certain Marcel, dit le « fou », fournisseur d’héroïne de sa fille, s’est emparé de ses chèques et a épuisé son compte en banque.

La nuit arrive, Elsa et Laure s’endorment, brisées.

Le « manque » réveille implacablement Laure en pleine nuit et la jette dehors durant trois jours pour partir en quête de drogue. Les petits expédients qu’elle trouve auprès de ses compagnons d’infortune étant hélas insuffisants pour calme son manque, elle se résigne donc à revoir son dealer qui est furieux de n’avoir pu encaisser les derniers chèques d’Elsa après que celle-ci soit passée à sa banque. Il met violemment en demeure Laure de lui rembourser cette somme. Celle-ci s’échappe.

Au matin, Elsa se réveille, seule dans l’appartement. Elle va récupérer sa voiture, accidentée à Orly, et va la faire réparer. Elle remet ensuite l’appartement en ordre tout en recevant les appels téléphoniques du dealer ou des « amis » de Laure réclamant de l’argent ou de la drogue. Un vocabulaire inconnu lui apparaît : shoot, fixe, chit, héro, speedy, LE MANQUE, etc.…

La liaison téléphonique rétablie, elle prend ses dispositions pour diriger sa clientèle vers un confrère afin d’être disponible pour sa fille à temps plein. Elle pense naïvement que trois mois suffiront à remettre sa fille sur les rails.

Son ami François qui vit en Amérique ne lui est d’aucun secours, lui disant que sa fille est perdue et qu’elle ne doit penser qu’à son travail pour se sauver elle-même. Elle met donc fin à sa relation avec lui. Quelques temps plus tard, elle fera de même avec le docteur Greffier qui était pour elle comme une référence dans le savoir humain et qui la décevra également.

Laura réapparaît enfin pour apprendre par sa mère leur départ imminent pour le sud de la France

En trois jours, Elsa, brisée, a perdu ce qui faisait son monde, c'est-à-dire son travail, son ami et ses projets, elle n’a plus d’autres choix que de pénétrer et d’affronter le monde effrayant de sa fille.

Le voyage vers Hyères, à l’hôtel de la Falaise, la fait voyager avec une Laura inconnue qui emmène le diable avec elle et qui n’est plus tout à fait sa fille. Culpabilisée, Elsa, fataliste, se dit que ce qui est arrivé devait arriver et était écrit. Toute sa vie défile durant ce voyage. A l’arrivée, c’est l’espoir déçu de voir Laura de fort mauvaise humeur ne pas profiter du cadre idyllique de Hyères, ses crises de manque hantant leurs nuits, et son corps parsemé de mouchetures rouges et de morsures l’empêchant de prendre un bain de mer à la vue de tous.

Elsa la psychologue pleine d’assurance qui croyait tout savoir sur les mécanismes de l’âme humaine se sent aujourd’hui désarmée devant sa fille. Sa remise en cause est également totale en tant que mère.

Une autre dose de Tranxène à dose maximale ne semble être d’aucun effet sur sa fille…c’est l’impasse pour Elsa qui pense alors à l’un de ses amis psychiatre qui habite Marseille. Départ donc pour Marseille où elles restent les dix jours nécessaires à la désintoxication physique de Laure, puis elles s’envolent pour un séjour de deux semaines à Agadir au Maroc, journées hélas hachées par l’humeur changeante de Laure. Enfin c’est le retour à Paris où suivant le conseil de son ami psychiatre, Elsa veut que sa fille entre en relation avec d’anciens drogués s’en étant sortis afin qu’elle se soit plus seule à lutter. Et c’est la trahison, puisque lors d’une première rencontre avec Alex, une ancienne connaissance de Laura, celui ci remet à sa fille qui lui avait discrètement demandé une petite dose d’héroïne à l’insu de sa mère. Terrible colère d’Elsa qui cependant laisse repartir Alex… /…

Ce roman met l’accent sur l’épreuve que vivent les proches d’une victime de la dépendance à la drogue. La description de ce véritable chemin de croix menant à une hypothétique guérison est ici très bien exposée par l’auteur, que ce soit du point de vue de la victime que de celui de sa mère.

L’épreuve vécue par sa fille remet brutalement sa propre vie en question, de par ses certitudes et ses valeurs qui seront périmées à jamais.

Michel

mercredi 2 novembre 2005


« Le voisin », de Tatiana de Rosnay

 


De nos jours, dans une grande ville.

Colombes Barou semble être une femme comblée. Douze années de mariage sans nuage, un mari souvent absent mais aimant et deux enfants qu’elle adule. Cerise sur la gâteau, elle trouve un bel appartement à louer situé au quatrième étage d’un immeuble tranquille, ce dernier point étant d’une importance capitale, car avoir une bonne nuit de sommeil lui est indispensable. En effet, Colombes exerce la dure profession de nègre, réécrivant les esquisses de romans d’écrivains sans talents, ou pire, des biographies réalisées à partir d’interviews faits à la va-vite. Car de caractère trop timide, elle n’a jamais osé se s’exposer devant le public et subit sans se l’avouer les frustrations de son métier.

Hélas, Colombes doit vite déchanter suite au tapage nocturne produit dès 3h30 du matin par le voisin demeurant au dessus de sa chambre, et ce bizarrement lors des déplacements de son mari.

Ses nuits blanches perturbent les relations avec celui ci qui ne veut pas la croire, et aussi le bon déroulement de son travail.

Tout le bel équilibre qui régnait dans son existence est remis en cause par le voisin indélicat.

Les ennuis semblent s’accumuler lorsque Régis, son éditeur, propose à la sage Colombes un travail inhabituel, celui de travailler pour une artiste sulfureuse et d’écrire un livre tout autant sulfureux, ce qui est diamétralement opposé à son style habituel. Et c’est dans la douleur qu’elle entreprend ce travail qui lui semble contre nature, et en dépit du manque de sommeil.

Contre toute attente, ce travail réussit à la faire sortir de la femme introvertie qu’elle était, et elle écrit un livre qui sera un succès.

Admiratif, son éditeur la considère sous un œil nouveau - Plus encore, imprégnée du livre qu’elle vient d’écrire, sa personnalité change, tout comme son aspect vestimentaire - son mari ne la reconnaît plus et s’absente de plus en plus. Colombes est maintenant une femme libérée.

Cependant, on ne peut lutter contre le manque de sommeil éternellement, et épuisée, elle est ensuite incapable de réitérer son exploit et cesse même d’aller travailler. Pour se venger du voisin responsable de sa situation, Colombes, à bout de nerfs, subtilisant les clefs du concierge de l’immeuble afin d’en faire une copie, décide de pénétrer dans l’appartement du voisin inconnu pour y semer ainsi régulièrement le désordre - elle y assomme même celui ci rentré prématurément chez lui. Cherchant à joindre en urgence son mari dans son hôtel, elle apprend incidemment qu’il y mène une double vie depuis longtemps. Son couple vole alors en éclats…/ ….

Ce roman nous décrit un mal de la vie moderne : le bruit et ses répercussions sociales.
Ici, un voisin indélicat perturbe impitoyablement le sommeil d’une jeune femme, avec des conséquences importantes et irréversibles sur la vie familiale et professionnelle de celle ci.
Le voisin devient pour la jeune femme l’ennemi, son existence l’obsède, reléguant au second plan le reste de l’univers dans ce drame psychologique qui se joue en vase clos.
La jeune femme, et même le voisin verront leurs existences bouleversées par cette situation qui les dépassera et n’en sortiront pas indemnes. Les conséquences seront elles positives ou négatives sur le long terme sur la vie de chacun d’eux ? tel est le débat proposé par l’auteur du livre.

Michel  

mardi 1 novembre 2005


« Indignation », de Philip Roth


Année 1950, aux Etats-Unis.

D’origine juive, Marcus Messner est un brillant étudiant à l’université Robert Treat de Newark, dans le New Jersey. Après ses cours, il prête la main à son père dans l’entreprise familiale, une boucherie kasher. Celui-ci est particulièrement fier de son fils.

La guerre de Corée faisant rage, Marcus espère l’obtention de son diplôme afin d’obtenir un poste à l’arrière du front afin d’échapper à la mort. Car la famille est marquée par la perte de deux cousins de Marcus durant la seconde guerre mondiale.

Au fil du temps, son père développe une telle paranoïa pour tout ce qui concerne la sécurité et l’avenir de son fils que ce dernier décide d’échapper à l’atmosphère étouffante de sa famille en s’inscrivant à l’université de Winesburg située à 800 km de là, dans l’Ohio.

De nature solitaire et très indépendante, il refuse d’adhérer à aucune des confréries d’étudiants, et ce afin de pouvoir consacrer tout son temps à ses études qui l’obsèdent au point de ne pouvoir supporter à deux reprises ses camarades de chambrée ; il loge alors dans une chambre désaffectée et glaciale afin de trouver le calme nécessaire à la poursuite de ses études.



Autre signe de son caractère indépendant, assister au culte à l’église de l’université est pour lui une perte de temps très pénible. Pour essayer d’attirer les faveurs de Marcus, le président de la fraternité juive, Sonny Cottler qui a des attaches dans la même ville que lui, le fait remplacer par un autre étudiant qui, contre rétribution de la confrérie, signera pour lui à l’entrée de l’Eglise. Marcus accepte à contrecoeur.

Il entretient une relation passionnelle avec Olivia Hutton, jeune femme ayant fait une tentative de suicide et qui a une réputation de femme facile que refuse d’admettre Marcus qui en est amoureux. Sa mère qui est venue lui annonce son intention de divorcer de son père qui devient fou lui fait promettre de ne pas épouser Olivia ; en échange, elle renoncera de divorcer. Marcus accepte.

Tous ces comportements l’amènent à être convoqué par le doyen de l’université, Hawes Caudwell, qui lui reproche de ne pas s’intégrer à l’université tout en admirant ses brillants résultats. S’ensuit entre eux une discussion qui permet à Marcus d’exposer sa vision toute personnelle de l’existence

Arrive alors le jour qui marquera le destin de Marcus ; alors que celui ci est comme à l’accoutumé absorbé par ses études et isolé du monde extérieur, un chahut dégénère et s’étend à toute l’université - les autorités universitaires décident d’exclure les meneurs ainsi ceux qui ne partagent pas les valeurs de l’université. Bien qu’innocent, Marcus, dont le doyen n’a pas oublié les propos, est renvoyé dans sa famille.. / ..

Ce roman nous dépeint le destin contrarié d’un étudiant ne désirant que réussir ses études ; de même, sa vie amoureuse ne prend pas la direction qu’il aurait souhaitée. Les événements extérieurs provoqués par son entourage familial et universitaire le contraignent à subir les ceux-ci et à ne pas échapper à son destin.

Michel






« Lune captive dans un œil mort », de Pascal Garnier


De nos jours, dans le sud de la France.

«Les conviviales », tel est le nom de la résidence sécurisée pour retraités qu’ont choisie Martial et Odette Sudre, tout fraîchement arrivés de Suresnes, pour y finir leur vie. Confort, sécurité et soleil leur ont été promis par monsieur Dacapo, l’agent immobilier….et pourtant…

Car ils ne peuvent s’empêcher de ressentir un sentiment de profonde solitude en contemplant leur pavillon qui est strictement identique à tous les autres pavillons pour l’instant inoccupés.

La piscine et le club house sont déserts et le soleil brille par son absence; un mur d’enceinte isole le village du monde extérieur, l’accès se faisant par un portail activé par télécommande. Le gardien, Mr Fresch, personnage ombrageux et un brin inquiétant, veille sur la résidence. On est loin du paradis décrit dans le dépliant publicitaire présenté par l’agent immobilier.
C’est donc avec un réel soulagement qu’ils font connaissance d’un second couple de retraités, Maxime et Marlène Node, qui s’installe dans un pavillon proche du leur. Les nouveaux arrivants sont plus raffinés, sportifs, « m’as-tu vu », et originaires d’Orléans. Ils ont un fils, Régis, brillant avocat.

Puis arrive une personne « seule », Léa, célibataire encore belle, ce qui déclenche des interrogations parmi les Node et les Sudre. Celle-ci arrive de Paris et n’a rien du profil d’une retraitée.

Nadine, l’animatrice, arrive le lendemain et provoque une réunion au club house afin que des liens se nouent entre les retraités..

Les choses commencent à se gâter lorsque Maxime tente de séduire Léa qui l’éconduit, lui apprenant par la même occasion que seule la gente féminine l’intéresse. Pour se consoler, Maxime va faire du golf avec Martial, mais un lumbago l’immobilise, le contraignant à s’asseoir en permanence dans une chaise roulante.

Le lendemain, le sang coule, les retraités émotionnés aperçoivent le gardien tuant un malheureux chat à coup de pelle.

C’est alors que la rumeur comme quoi des gitans en grand nombre se seraient installés non loin de la résidence provoque une psychose parmi les retraités. Maxime sort de ses bagages un revolver pour se protéger ayant cru entendre un gitan voulant pénétrer par effraction chez lui, et tire à travers la porte de son pavillon alors que Martial s’apprêtait à lui rendre visite. Le drame est évité de justesse, mais suscite chez Martial la question de savoir ce que l’on ressent lorsque l’on tue une personne, sensation que semble connaître Maxime qu’il envie.

Lors de la réunion journalière au House Club, Maxime apprend que le gardien a eu vent de l’incident du revolver par Léa qui l’avait appris elle-même par Odette. Cela provoque la colère de celui-ci qui se venge en révélant à tous que Léa est lesbienne – il quitte à pied le House Club, et par impatience envers son épouse qui l’agace, révèle à tous un secret de famille, à savoir que Régis, leur fils, est mort d’overdose dans un squat à l’âge de 16 ans. De surcroît, il oublie le revolver qu’il avait caché sous le coussin de sa chaise roulante qu’il a abandonnée sur place.

Martial se saisit par inadvertance du revolver et rentre chez lui. Sur le trajet, il abat le gardien, Mr Flesh, alors que celui-ci taillait un buisson. Martial connaît maintenant la sensation de tuer…/…

Un roman au style dépouillé allant à l’essentiel et où nous est présenté dans un cadre sensé être paradisiaque tous les ingrédients qui conduiront un inoffensif groupe de retraités à la psychose et finalement au désastre.

Michel