L’héritage
d’Ester
de Sando Marai
En
Hongrie, au cours des années 30
Ester,
femme de caractère, a déjà vécu l’essentiel de sa vie et vit
dans une grande maison délabrée avec sa servante, nounou en
compagnie de ses souvenirs. Sans argent pour vivre, c’est du jardin
qu’elles retirent leur subsistance.
Jadis,
sa famille était aisée, mais une gestion erratique du patrimoine a
au fil des années bien entamé celui-ci. Puis il y a aussi Lajos,
ami de son frère Laci, apparu dans son environnement familial.
Car
Lajos est charmant, fabulateur hypnotisant son entourage… et
escroc ; sous son influence, le mode de vie plutôt sobre de la
famille devint mondain, faisant vivre celle-ci au-dessus de ses
moyens. Et c’est ainsi que les dernières miettes de la fortune
familiale s’envolèrent.
Lajos
devait de l’argent à tous les membres de son cercle familial et
même au-delà, personne n’osant lui demander réparation, Lajos
ayant le pouvoir de rendre incongrue toute demande de remboursement.
Envoûtée,
Ester avait été sensible à son charme, Lajos lui ayant même dit
qu’il l’aimait. Mais tout se passa autrement puisqu’il choisit
sa sœur Vilma comme épouse avec qui il eut une fille, Eva.
Après
qu’il ait quitté la région au moment des fiançailles, deux
soupirants se manifestèrent auprès d’Ester : Tibor, puis
Endre, tous deux amis de la famille qu’elle éconduisit avec
douceur, préservant ainsi leurs amitiés et sa propre solitude.
Tibor révèlera plus tard avoir compris du refus d’Ester qu’elle
aimait Lajos.
C’est
vingt-deux ans plus tard que Lajos annonça sa visite, provoquant une
montée de souvenirs et de crainte chez les deux femmes. Qu’allait-il
leur prendre cette fois ci à elles qui vivaient si chichement
Serait-ce
« la » bague, trésor de la famille depuis des
générations que détient Ester ? C’est à l’occasion du
décès de sa femme que Lajos avait offert à Ester la bague que
possédait Vilma et qui lui avait été échu en tant que fille aînée
- maintenant qu’elle était décédée, c’était à Ester sa
cadette de la détenir, prétendait-il. Connaissant Lajos toujours à
court d’argent, Ester doutait que la bague soit encore authentique,
ce que confirma sa servante qu’il l’avait faite secrètement
expertiser : la pierre avait été remplacée par une imitation.
A quelques jours de sa venue, Lajos venait de décevoir une fois de
plus Ester.
Lajos
arriva, accompagné de sa fille, Eva et de son fiancé. Le charme de
Lajos opérait toujours, il n’avait pas changé seulement un peu
vieilli. Esther eut une conversation avec Eva qui la laissa
bouleversée : Celle-ci lui révéla que son père lui avait
écrit trois lettres au moment de ses fiançailles avec sa mère,
Vilma, et qu’il l’implorait de partir avec lui. Ces lettres ne
parvinrent jamais jusqu’à Ester. Qui les lui avait
soustraites afin qu’elle ne les lise pas ?
La prédestination
existe-t-elle ? Deux êtres humains peuvent-ils se reconnaître
à temps, comprendre qu’ils sont complémentaires et même
prédestinés ? Le titre que Sando Marai a choisi, « l’héritage
d’Ester », n’évoque pas tant le constat matériel établi
à l’aube de la vieillesse d’Ester que celui de ses actions et
des choix faits une vingtaine d’années plus tôt. L’épisode de
la bague devenue fausse est symbolique elle aussi.
L’auteur décrit
dans son roman les destins contrariés de deux êtres humains n’ayant
pas su forcer le destin pendant qu’il en était encore temps, leur
vie d’« après » ne leur apportant pas les promesses
qu’ils auraient pu en attendre.
Une fresque romantique
passionnante construite exclusivement sur les émotions et les
sentiments.
Michel ALLAIN