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samedi 28 mai 2005

« L’énigme du clou chinois », de Robert Van Gulik







Au VII ème siècle, dans la province de Chan-si en Chine du Nord, sous la dynastie des T’ang

Originaire de la ville de Tai Yuan où il est né en 630, et marié à trois épouses, le juge Ti est nommé dans le district de Pei Tchou, ville située à la frontière nord de l’empire fleuri peuplée en majorité de tartares baignant dans la sorcellerie. La fonction de juge est délicate, l’erreur judiciaire l’exposant à subir à son tour la même peine infligée à tort à un condamné.
Il est entouré de trois lieutenants qui l’assistent dans sa tâche, Tao-gan, Ma-jong et Tsiao-Tain, anciens voleurs de grands chemins repentis qui lui sont tout dévoués.
A peine installé dans son tribunal, il est informé de la disparition en plein marché d’une demoiselle Liao malgré que celle-ci ait été accompagnée d’une duègne, d’où la possibilité qu’elle puisse avoir disparu de son plein gré avec un galant.
Une autre affaire lui est présentée simultanément, puisque la femme de l’antiquaire Pan Feng est retrouvée sauvagement décapitée à son domicile. Ses deux frères, Ye-Pin, marchand de papier, et Ye-Tai, son assistant, accusent leur beau frère Pan-Feng de ce crime, celui-ci ayant quitté la ville précipitamment la veille du meurtre. Un avis de recherche est lancé contre lui.
Le juge, accompagné du sergent Honk et de Tao-Gan, se rend en palanquin au domicile de Pan-Feng, escorté par deux sbires à cheval frappant leur gong en criant « place, place, son excellence le magistrat approche ».
La maison est perquisitionnée, la victime reposant dans sa chambre sur un lit fourneau.
Si certains vêtements ne sont pas retrouvés, ses bijoux et l’argent liquide sont toujours là, cachés dans un tiroir secret d’un meuble. Paradoxalement, le rubis ornant l’alliance que porte la défunte a disparu.

Une petite table laquée rouge se trouve dans un coin de la pièce et une serviette recouvre la glace de la chambre, le reflet d’un mort dans un miroir portant malheur. La tête du cadavre étant introuvable, la maison est placée sous scellée.
Le juge Ti désigne le pharmacien Kouo comme étant le contrôleur des décès qui devra rédiger le rapport d’autopsie. Son épouse, madame Kouo, a acquis l’estime de la population en soignant les femmes de la prison, la science de la pharmacie lui ayant été enseignée par son mari. C’est d’ailleurs elle qui récolte en hiver l’herbe de lune sur la colline aux herbes médicinales.

Le juge est sceptique quand à la culpabilité de l’antiquaire, sa frêle constitution l’empêchant de décapiter la tête de son épouse, et les bijoux ainsi que l’argent n’ayant pas été volés.
Suite à une chasse au loup, le négociant Tchou, qui bien que contrairement à ses habitudes n’a pas réussi à tuer l’animal, organise un dîner en plein air par un froid glacial, tous les convives gardant leurs manteaux et leurs gants - Tchou, qui a huit épouses, souffre de ne pas avoir d’enfant.. Aux coté du Juge Ti sont présents Liao, le Maître de la guilde des tanneurs Liao et père de la demoiselle Liao qui a disparu, Yu-Kang, secrétaire de Tchou et fiancé malheureux de celle-ci, et enfin Maître Lan, champion de boxe des trois provinces du nord, célibataire à la vie austère se dévouant à son art – le juge apprend d’ailleurs avec amusement la passion de ce dernier pour le jeu des sept bouts de cartons avec lesquels il peut créer n’importe quelle forme. S’étant égaré en cherchant une salle d’eau dans la vaste demeure de Tchou, il aperçoit par hasard dans le jardin un bonhomme de neige aux yeux rouges exaltant une atmosphère malsaine (Tchou dit lui-même s’entraîner à l’arc sur des bonhommes de neige).
De retour à la table, il apprend que Pan-Feng a été retrouvé par une patrouille – il quitte alors Tchou pour se rendre au tribunal afin d’y rencontrer un inoffensif vieillard ignorant tout du meurtre de son épouse et pensant seulement que Ye-Tai et sa femme l’ont calomnié. En effet, Ye-Tai qui perd aux jeux de hasard demande sans cesse de l’argent à sa sœur, épouse de Pan-feng.
Le lendemain, Pan-Feng est interrogé sur sa hâte à quitter la ville. Celui-ci avoue en effet avoir couru au bureau de poste par crainte de ne pas trouver de cheval à temps lui permettant de se rendre au village des 5 béliers pour une affaire urgente qui le retiendra deux jours durant loin de chez lui.
Celle-ci conclue, sur le chemin du retour, il a dû fuir à la vue de deux brigands dont l’un a un bandeau sur l’œil, et dans sa fuite, a perdu l’objet qu’il venait d’acquérir – il est alors recueilli par une patrouille qui, paradoxalement, le fait prisonnier sans lui donner d’explications.

Le juge Ti lui apprend alors que ses beaux frères l’accusent du meurtre de son épouse, meurtre qu’il nie. Le magistrat est convaincu de son innocence et envoie au poste militaire une demande de renseignements sur les deux brigands aperçus par Pan Feng.
Le juge ordonne ensuite à ses lieutenants d’enquêter sur la fille de Liao.
Surveillant le magasin de Ye-Pin, le papetier, le lieutenant Tao Gan apprend par l’un de ses clients que mademoiselle Liao avait des rendez vous secrets avec un frêle jeune homme dans une demeure située près de la maison de rendez vous « la brise du printemps ».
Les autres lieutenants, Ma-Jong et Tsiao-Tai, passent tout d’abord à la demeure de Maître Lan pour lui demander de les accompagner dans leur enquête; celui-ci, répondant à une plaisanterie, fait montre de désillusion à l’égard de la gente féminine. Arrivé au marché, ils apprennent d’un enfant errant que mademoiselle Liao a faussé compagnie à sa duègne en suivant une femme d’âge mûr qui lui avait chuchoté quelques mots; plus grave encore, un imposant et inquiétant tartare les avait suivi de loin. Les enquêteurs en déduisent que ce personnage ne peut pas être l’amant de mademoiselle Liao.
Sur le chemin du retour, attiré par le bruit, ils se trouvent en présence des deux « brigands » aperçus par Pan-Feng , aux prises avec deux proxénètes qui voulaient les faire chanter, et de deux prostituées. Les proxénètes seront condamnés à 3 mois de prison, 50 coups de fouet et à une forte amende, les prostituées étant renvoyées dans leurs familles qui les avaient elles même vendues aux proxénètes du fait de leur grande pauvreté.
Les trois lieutenants rentrent au tribunal faire leur rapport, la déposition des deux soldats allant dans le sens de l’innocence de Pan-Feng, d’où la certitude de l’existence d’un troisième personnage ayant assassiné Madame Pan. Ye-Tai commence à être soupçonné d’être celui-ci de par sa moralité.

Le juge interroge Yu-Kang, fiancé depuis trois ans à mademoiselle Liao lien-fang, les fiançailles s’éternisant à cause de la tristesse de Liao à perdre sa fille et du peu d’empressement de Tchou, tuteur du fiancé, à se séparer de son secrétaire. Il apprend ensuite que le fiancé et l’amant sont une seule et même personne et que Mademoiselle Liao est enceinte. Informés de la situation, Liao et Tchou ont déjà refusé avec colère de donner leur consentement pour les marier, et Yu-Kang pense que Liao-lien-fang s’est suicidée de désespoir et qu’il en est responsable. Le juge Ti apprend de plus que Ye-Tai avait appris leur secret par une vieille servante et faisait chanter le secrétaire. Il pense maintenant que mademoiselle Liao a été plutôt enlevée. Il reproche donc au secrétaire d’avoir mal agi avec sa future femme, de l’avoir mis en danger. Les fiançailles et le mariage n’étant pas des affaires purement personnelles, mais familiales, il a offensé gravement ses ancêtres par l’annonce de fiançailles qu’il n’a pas respectées devant son autel familial.
Ye Tai est maintenant fortement soupçonné de garder prisonnière la demoiselle Lio, mais est introuvable lorsque le juge le fait quérir. Une convocation officielle est donc envoyée aux frères Ye.
Dépité, le juge décide de chercher Ye-Tai en se déguisant en marchand et en arpentant la ville. Il remarque une petite fille égarée du nom de Lo Mei-Lan, et qui est la fille du marchand de coton décédé voici cinq mois. Sa mère, madame Lo, est seule à s’occuper d’elle. Confiante, la petite fille dit qu’elle aimerait voir le chaton avec lequel sa mère parlait l’autre soir. Le juge comprend alors que la mère a un amant. Il ramène la petite fille à sa mère qui ne lui manifeste aucune reconnaissance..
Sur le chemin du retour, il croise ses hommes qui lui annoncent l’empoisonnement de Maître Lan dans une des chambres avec bain privé de l’établissement de bain qu’il fréquentait. Le cadavre boursouflé repose à terre, une théière et quelques morceaux de cartons posés sur une petite table. Le meurtrier, que Maître Lan connaissait et dont il ne s’était pas méfié, a pénétré dans la chambre et déposé à son insu dans la théière des pétales de jasmin empoisonnés. Durant son agonie, Maître Lan a bien essayé de désigner son meurtrier à l’aide du jeu des morceaux de carton, mais le dessin est incomplet, un morceau de carton manquant - celui-ci est découvert ensuite dans le poing de la victime.
Après enquête, un inconnu à la silhouette élancée et emmitouflée semble s’être mêlé aux clients habituels de l’établissement de bain.
A la séance du lendemain, le corps de Maître Lan est autopsié, le poison s’avérant être de la poudre extraite des racines de l’arbre à serpent qui pousse dans le sud de l’empire. La possibilité que l’assassin soit une femme est également évoquée de par sa description physique et par la nature de l’arme utilisée. De plus, les lieutenants se souviennent des propos de Maître Lan se plaignant qu’une femme avait miné ses forces.
Les témoignages sur l’emploi du temps de Pan (rapport des soldats et enquête sur place au village des 5 béliers) l’innocentent définitivement; provoquant les excuses de Ye-Pin, son beau frère.
Ye-Tai est toujours absent.
Ayant reconstitué par hasard le puzzle en une silhouette de chat, le juge Ti se souvient brusquement des propos de la petite fille du marchand de coton Lo décédé voici quelques mois.
Il apprend par le pharmacien que le marchand de coton Lo est mort subitement, les causes de son décès étant restées obscures. En effet, un cadavre ayant les yeux exorbités implique qu’il a reçu un coup porté derrière la tête, le rapport d’autopsie rédigé par le docteur Kouang mentionnant portant l’alcoolisme comme cause du décès. Ce docteur, qui était soupçonné de pratique de la magie noire, a quitté la ville depuis.
Le juge convoque madame Lo pour le lendemain
Il part ensuite pour une promenade sur la colline aux herbes médicinales où il rencontre par hasard madame Kouo, épouse du pharmacien, d’où des échanges de propos amicaux sur la poésie.
Puis il va visiter l’antiquaire Pan-Feng à son atelier et lui parle des bijoux de sa femme, bijoux dont l’antiquaire étonné nie l’existence, hormis l’alliance qu’elle porte au doigt – voulant prouver ses dires, le juge constate que ceux ci ont disparu du tiroir secret où il les avait vu lors de sa première venue, durant l’absence de l’antiquaire retenu au village des 5 béliers.. Le juge découvre alors que quelqu’un a pénétré par la fenêtre en sciant les barreaux et en les remettant soigneusement en place, et ce après avoir emporté les bijoux avec lui.
Il demande à l’antiquaire de vérifier la garde robe de son épouse : deux robes manquent au trousseau de son épouse. Le juge comprend se qui s’est passé, et que l’assassin a fait une erreur avec les bijoux. Il apprend aussi que la petite table laquée qu’il avait aperçue dans la chambre était en cours de séchage et que le meurtrier avait posé sa main dessus, se brûlant gravement à cause du produit toxique.
Le juge Ti conseille à l’antiquaire de clouer des planches à la fenêtre de sa chambre et de tout verrouiller.
Il rentre au tribunal et revoit ses lieutenants qui l’informent de propos qu’aurait dit Maître Lan à une femme inconnue qui était en colère après lui, créditant la thèse d’une liaison.
L’interrogatoire du lendemain avec madame Lo concernant son feu mari ne donne rien. Elle écope de 50 coups de fouet pour injures au tribunal et gardée en cellule
Comparait ensuite un commerçant qui prétend avoir eu sur son étal 100 gâteaux alors que le marchand qui avait renversé celui-ci en avait compté 50; le commerçant écope de 20 coups de bambous après pesage des gâteaux brisés ramassés sur la chaussée, le poids correspondant à celui de 50 gâteaux.
Pendant ce temps, le sergent Honk enquêtant en ville aperçoit dans une bijouterie l’imposant tartare en train de négocier l’achat de deux rubis. Il le suit ensuite dans un débit de vin afin de l’identifier. Ayant discrètement demandé auparavant à une connaissance d’aller chercher le juge, il s’assoit à la table du tartare qui le poignarde à l’insu des autres consommateurs. Le juge étant arrivé trop tard constate le décès et ramasse au sol les deux rubis.
Il demande alors à Ma-Jong et à Tsiao-Tai de se rendre le lendemain en compagnie de Tchou au village des cinq béliers afin d’interroger l’homme qu’avait rencontré Pan-Feng.
Deux jours plus tard,, les lieutenants Ma-Jong, Tsiao-Tai et le négociant Tchou sont de retour et arrivent au Yamen, le tribunal, où une séance extraordinaire a commencé. Elle concerne encore l’affaire Pan Feng.
Le juge annonce avoir des éléments nouveaux et expose une pièce à conviction : une tête de bonhomme de neige avec deux yeux rouges qui sont en réalité des rubis rouges enfoncés dans la neige.
La neige commençant à fondre, les rubis roulent à terre; Tchou se lève alors brusquement pour se saisir des rubis en parlant d’une voix enfantine et démentielle. « Rendez moi mes pierres rouges » ; il tire ses gants et ses mains recouvertes d’ulcères les saisissent. La neige s’émiette encore, un visage de femme apparaissant. Le juge fait alors venir à la barre une femme voilée, lui demandant de reconnaître la tête de mademoiselle Liao, ce dont elle s’acquitte….s’adressant ensuite à Tchou, il lui demande où se trouve Ye-Tai : « dans la neige », dit le dément.
Le juge annonce accuser Tchou du meurtre le mademoiselle Liao, et peut être de celle de Ye-Tai, et ce avec la complicité de madame Pan, car c’est elle qui est arrivée voilée et qui est debout devant le juge.
Une perquisition a été effectuée la veille au domicile de Tchou, celui-ci parti au village des cinq béliers. Madame Pan y a été trouvé en parfaite santé, ainsi que la tête de l’infortunée mademoiselle Liao cachée dans le bonhomme de neige se trouvant dans le jardin.
La complicité de madame Pan ne fait donc aucun doute. Celle ci fait une déclaration au juge. Elle s’ennuyait avec son vieux mari, et le peu d’argent qu’elle économisait lui était soutiré par son frère Ye-Tai – Elle s’est donc facilement trouvée séduite par Tchou, homme riche et considéré. Si celui-ci refuse étrangement ses avances, il accepte néanmoins d’être son amant qu’à la condition qu’elle l’aide à attirer mademoiselle Liao dans une maison abandonnée. Et c’est ainsi que la demoiselle est enlevée par Tchou.
Tchou annonce peu après à madame Pan que la demoiselle Liao est morte, et qu’il a trouvé un moyen de maquiller le meurtre. Sous la menace, madame Pan doit lui obéir en lui remettant ses propres vêtements et son unique bague sertie d’un rubis rouge. Se rendant clandestinement au domicile de l’antiquaire, Tchou met donc en scène le meurtre de Madame Pan. Il décapite mademoiselle Liao, la déshabille pour la revêtir ensuite des vêtements de madame Pan, lui mettant la bague de celle ci au doigt, et ce pour faire croire au meurtre de Madame Pan. Il repart avec la tête et les vêtements de la demoiselle Liao, escamotant au passage le rubis ornant l’alliance de la défunte.
Les fautes de Tchou furent d’avoir récupéré quelques jours plus tard les bijoux qu’il avait offert à madame Pan, ignorant que ceux-ci avaient été aperçus par le juge, ainsi que d’avoir touché la petite table rouge recouvert de laque en cours de séchage, laque qui lui brûla la main ; en effet, cette blessure l’empêcha de tuer le loup lors de la chasse, et le força à organiser le repas en plein air avec le juge Ti, le froid justifiant le port de ses gants – dernière faute également, il détacha le rubis rouge de la bague de madame Pan qu’il avait mis au doigt de mademoiselle Liao, alors que les autres bijoux rangés dans la chambre n’avaient pas été volé.
Après avoir résolu ces deux énigmes, le juge Ti doit résoudre maintenant celle de l’empoisonnement de Maître Lan .. / ..
Dans la chine antique du VII siècle après JC, trois énigmes policières se rejoignent pour un dénouement final digne d’Agatha Christie. Si le juge Ti a réellement existé (premier moitié du VII siècle après JC), l’histoire de l’échange des corps l’est aussi, mais défraiera la chronique trois siècles plus tard.
Un roman policier aux multiples rebondissements, émaillé de détails sur les us et coutumes de la Chine antique, et faits divers surprenants datant de cette époque.
Michel