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vendredi 27 mai 2005



« Conte bleu », de Marguerite Yourcenar

Dans le port d’une île orientale, peut être au XVII siècle.

Sous un ciel bleu éclatant, des marchands européens débarquent sur une île avec officiellement l’intention de vendre étoffes, bijoux et verroterie. Leur but est en réalité d’atteindre une grotte renfermant des saphirs d’une grande beauté dont ils comptent s’emparer. Pour cela, ils doivent d’abord entrer dans le palais où ils espèrent trouver le renseignement les menant à ceux ci

Arrivés dans la cour d’honneur, ils essuient un refus à être reçus par les femmes qui sont trop effrayées et qui laissent porte close. Ils ne sont pas les bienvenus.

Dépités, le marchand hollandais perd 5 orteils de son pied gauche en essayant d’ouvrir la porte d’acier et le marchand italien 2 doigts de sa main droite…Et c’est contre un talisman que le marchand grec persuade finalement un homme malheureux en amour de les faire entrer dans une grande salle couleur outremer.

Les marchands ouvrent alors leurs coffres, mais aucune princesse ne se montre. Une chinoise les traite d’imposteurs, une femme habillée de noir leur lance même une malédiction, une autre vêtue de gris les ignore sans vergogne que c’en est trop pour eux lorsque leur apparaît une femme habillée de rouge et toute ensanglantée : Ils prennent la fuite dans les cuisines du palais.

Une jeune esclave aux longs cheveux noirs apparaît alors, apportant des morceaux de glace dans un bol pour soulager leurs blessures ; sa robe est déchirée à force d’être à genou pour prier. Sourde et muette, elle ne comprend pas les marchands qui lui montrent alors le reflet de ses yeux bleus dans une glace et les marques de ses pas dans la poussière, ceci pour lui signifier ce qu’ils attendent d’elle.

Elle fait alors sortir les marchands du palais, et tous s’enfoncent dans l’île par un chemin caillouteux menant à une colline bleue. Mauvais présages encore, puisque que le marchand castillan est piqué par deux scorpions tandis que le marchand irlandais pleure à la vue des pieds ensanglantés de l’esclave marchant pieds nus.

Ils pénètrent dans une caverne avec en son centre un lac aux reflets bleus, ceux des saphirs…si le marchand grec plonge ses mains dans l’eau pour se saisir en vain des pierres qui y flottent, l’esclave répond à ce geste inutile en dénouant ses cheveux qui, plongés dans l’eau, captent enfin les saphirs.

Le marchand hollandais s’en remplit les chausses, le tourangeau son bonnet, le grec une outre et le castillan ses gants…il ne reste bientôt plus rien pour l’irlandais. L’esclave lui donne alors son pendentif de verroterie à mettre sur son cœur. Ils quittent la grotte, riches mais ensanglantés.

Le castillan chancelle sur ses jambes, et le hollandais affamé est piqué par des abeilles en mangeant des figues le long du chemin. Le palais, puis le port, et enfin la barque sont en vue. N’éprouvant aucune gratitude envers l’esclave, le grec l’embarque de force et l’attache nue au mât afin de la vendre à un prince vénitien. Celle ci pleurant, ses larmes se transforment en aigues marines, les marchands faisant alors couler ses larmes tant que ce peut. Durant la nuit, le hollandais est pris de désir, mais ne trouve pas l’esclave qui s’est détachée de ses liens et enfuie.

Le voyage continue. Le castillan, ivre de souffrances, coupe ses jambes gangrenées par la piqûre des scorpions et meurt en léguant ses saphirs à son ennemi intime, le marchand bâlois. Inquiet, le tourangeau débarque pour rentrer par voie de terre : il échangera plus tard ses saphirs contre de la monnaie qui n’a pas cours dans son pays. A Raguse, le hollandais troque ses saphirs contre de la bière éventée, et si l’italien se fera nommer plus tard Doge à Venise, il mourra assassiné le lendemain de ses noces. Le grec, quand à lui, voit ses saphirs se diluer dans l’eau de mer après les y avoir plongés pour favoriser leurs éclats. Le navire étant ensuite attaqué par un corsaire, le bâlois avale ses saphirs et en meurt déchiré. Le grec se jette dans la mer, mais un dauphin l’emmène heureusement jusqu’à Tinos. L’irlandais est roué de coups et laissé pour mort dans la barque, son pendentif à son cou. / ..

Ce court texte où la couleur bleue est omniprésente dépeint le destin tragique de ces marchands avides et sans scrupules punis par le ciel. Le bien et le mal sont ici bien mis en évidence.
Michel